L’analyse d’un échantillon des déchets électroniques transportés prend énormément de temps. À l’avenir, nous espérons que l’intelligence artificielle pourra assumer cette tâche. En plus d’accélérer le travail, cela contribuera à améliorer la fermeture des circuits.
Depuis 2018, Recupel collabore avec IDLab, un groupe de recherche de l’imec intégré à l’Université d’Anvers, pour développer une méthode d’automatisation de l’échantillonnage de l’e-waste. Comment cela fonctionne-t-il ? Lorenzo Glorie de Recupel : « Pour calculer la cotisation dont doivent s’acquitter les producteurs pour le transport et le traitement des appareils électroniques, nous prélevons régulièrement un échantillon. Des ordinateurs portables, GSM, radios, lecteurs DVD… sont ainsi collectés dans les parcs de recyclage. Pour prélever un bon échantillon, il faut pouvoir analyser un nombre suffisant d’appareils. Mais le processus est chronophage. D’où notre volonté d’automatiser l’échantillonnage. »
« Les travailleurs des entreprises de travail adapté chargés d’effectuer les analyses prélèvent un appareil d’un conteneur ou d’une caisse-palette et le placent sur une balance. Dans le même temps, six caméras prennent une photo. Ils chargent ces images dans un logiciel. Sur la base de ces photos, l’algorithme d’auto-apprentissage détermine le type d’appareil, en s’appuyant sur une base de données contenant des centaines de milliers de photos. Ensuite, un collaborateur d’une (autre) entreprise de travail adapté vérifie si l’algorithme a fait le bon choix. »
« Le processus s’avère déjà performant, mais l’algorithme a encore beaucoup à apprendre. S’il se révèle, à terme, totalement infaillible, nous envisageons de le déployer à grande échelle. Cela ne signifie pas que nous n’aurons plus besoin des entreprises de travail adapté. Les appareils devront toujours être posés sur la balance, puis repris. Cette étape est impossible à automatiser, car ces appareils sont souvent reliés à des câbles qui peuvent s’entortiller », explique Lorenzo Glorie.
« À terme, l’intelligence artificielle pourra être utilisée dans les entreprises de recyclage pour identifier, par exemple, les appareils qui contiennent des matériaux précieux. Nous pourrons ainsi les trier de manière encore plus minutieuse. »
« Nous examinons également la possibilité d’apprendre à l’algorithme à reconnaître la marque de l’appareil, par exemple via un code QR ou un logo. Nous voulons également développer une base de données où consulter toutes les informations relatives au produit : quelle est l’année de construction, est-ce un produit nocif… Nous obtiendrons ainsi une image plus complète des appareils mis au rebut et pourrons partager ces informations avec les producteurs. Ceux-ci sont très intéressés de savoir combien de leurs appareils sont collectés chaque année et quelle est leur durée d’utilisation. Car eux aussi doivent trouver le moyen de rendre leurs produits plus durables. Non seulement l’Europe le leur impose, mais le consommateur est également demandeur. Ces informations peuvent leur permettre d’améliorer leurs conceptions ou de choisir des matériaux capables de prolonger la durée de vie du produit. De cette façon, l’intelligence artificielle peut aussi contribuer à la fermeture des circuits. »
« À ma connaissance, aucun autre pays ne travaille à l'analyse des déchets électroniques via l'intelligence artificielle. Nous faisons donc un travail de pionnier dans ce domaine. »
« La technologie que nous employons n’est pas neuve. L’intelligence artificielle est déjà utilisée dans la biologie et l’agriculture. Des scientifiques suédois ont ainsi appris à un appareil à reconnaître différentes espèces de poissons. Cette technique a déjà été aussi utilisée pour le tri des piles et batteries. Mais à ma connaissance, aucun autre pays ne s’est lancé dans l’analyse de l’e-waste par l’intelligence artificielle. Dans ce domaine, nous réalisons un travail de pionnier. À l’avenir, nous aimerions collaborer avec d’autres pays pour automatiser également leur système d’échantillonnage. Ainsi, tout en les aidant, nous alimenterions notre base de données afin d’élargir plus rapidement les connaissances de l’algorithme. »
Au total, 65 % du poids moyen des équipements électr(on)iques mis sur le marché en Belgique au cours des trois années précédentes doit être collecté. Un objectif européen que la Belgique n’atteint pas (encore). Les e-déchets, ou e-waste, échappent encore trop souvent à la vigilance. Selon une étude de Deloitte, 30 % de l’électro mis sur le marché belge est actuellement introuvable.
C’est pourquoi il importe que tous les acteurs de la chaîne communiquent le volume exact d’e-waste qu’ils mettent sur le marché, collectent et traitent ou réaffectent autrement. Mais tout le monde ne rapporte pas ces informations à Recupel. Nous n’avons donc aucune garantie du traitement correct de tous les appareils. Ces données sont pourtant importantes pour évaluer ce qui nous sépare encore de l’objectif de collecte européen. Tout comme nous avons besoin de résultats exacts et complets pour atteindre les pourcentages de collecte que l’Europe impose à ses États membres.
Pour doter les entreprises d’un outil de reporting simple à utiliser, nous nous sommes associés à sept partenaires pour fonder en 2018 l’asbl BeWeee. Les informations rapportées dans l’application ne nous parviennent pas, mais sont directement transmises aux autorités wallonnes, bruxelloises et flamandes.
En 2018, environ 20 000 tonnes ont été directement rapportées dans l’outil. C’est trois fois plus qu’en 2017, année où 6 662 tonnes avaient été déclarées via BeWeee. Mais cela reste insuffisant pour atteindre les objectifs de collecte imposés par l’UE. Pour y parvenir, quelque 85 000 tonnes d’e-déchets devraient être rapportées dans l’outil BeWeee, soit 65 000 tonnes de plus qu’aujourd’hui. Bien que cela semble beaucoup, l’objectif reste possible si tous les acteurs respectent leurs obligations et s’acquittent d’un reporting correct. En 2018, seulement 25 % des entreprises qui ne rapportent pas à Recupel ont utilisé l’outil BeWeee. Il nous reste donc une grande marge de croissance pour les années à venir ; nous y voyons un signal positif.
Un réfrigérateur ou un congélateur contient des liquides de refroidissement et des gaz d’expansion nocifs qui, s’ils ne sont pas soigneusement éliminés, peuvent s’évaporer dans l’atmosphère. Une situation dangereuse, car ces substances et gaz nocifs endommagent la couche d’ozone et contribuent au réchauffement de la Terre. À titre de comparaison : un réfrigérateur mal traité rejette à lui seul autant d’émissions de CO2 qu’un trajet en voiture de 7 500 kilomètres. Pour 226 524 réfrigérateurs portés « disparus », le résultat équivaut aux émissions de CO2 de 1 698 930 000 kilomètres parcourus par une voiture diesel, soit 42 394 tours du monde !
Qui plus est, les réfrigérateurs contiennent des matériaux très précieux, comme le cuivre. Chez Recupel, nous pouvons récupérer 98 % des matériaux d’un réfrigérateur grâce à des techniques de recyclage innovantes. Les réfrigérateurs représentent donc d’importantes « mines urbaines ».
Les résultats de collecte montrent que la campagne n’a pas manqué son effet. Selon les chiffres, environ 226 524 appareils manquaient à l’appel en 2018, et ils sont encore 190 000 en 2019.Les résultats de collecte des réfrigérateurs et congélateurs sont pourtant positifs : en 2019, Recupel et ses partenaires ont collecté 9 % d’appareils en plus.Aujourd’hui, 249 cuisinistes et détaillants en électro ont signé le pacte de qualité Recupel. Ils représentent au total 630 points de vente.
Tout le monde peut apporter sa pierre à l’édifice de l’économie circulaire, y compris les consommateurs. C’est pourquoi nous lançons chaque année des campagnes ludiques pour les convaincre d’apporter leurs appareils anciens ou usagés dans l’un des points de collecte de Recupel. Nous veillons ensuite à donner à ces appareils une deuxième vie.
« Il y a quelques années, le concept d’économie circulaire était relativement peu connu du grand public dans notre pays. C’est en train de changer. Lors de l’atelier « La Chasse aux matières premières », nos collaborateurs pédagogiques entraînent les élèves de l’enseignement secondaire dans le récit circulaire des matières premières, bien différent du parcours linéaire des déchets. En permettant aux jeunes d’utiliser leur smartphone, et grâce à la forme interactive du jeu, ils sont totalement partants. » Peter Hulpiau de GoodPlanet