Entre-temps, il existe une norme européenne pour la collecte et le traitement de l’e-waste. Comment y avez-vous contribué ?
En 2012, nous avons pris l’initiative de développer une norme européenne, baptisée WEEELABEX pour WEEE LABoratory of EXcellence. Cette norme décrit comment collecter, stocker, transporter, préparer et traiter les déchets. Depuis lors, les principes de WEEELABEX ont été coulés dans une norme européenne officielle, qui a ensuite été reconnue par la législation européenne.
Quiconque travaille avec des entreprises ayant reçu le label WEEELABEX a donc l’assurance de respecter les règles européennes en matière de déchets d’équipements électriques et électroniques. Tous les centres de traitement qui collaborent avec Recupel détiennent d’ailleurs ce label.
D’ici 2019, tous les États membres de l’UE devaient atteindre un pourcentage de collecte de minimum 65 % du poids moyen de ce qui a été mis sur le marché au cours des trois années précédentes ou de 85 % des e-déchets produits. Comment expliquez-vous que presque aucun État membre ne parvienne à atteindre les objectifs de collecte ?
L’Estonie est en effet le seul État membre à avoir atteint l’objectif de 65 %. Une des explications est que Recupel et ses homologues étrangers n’ont aucune prise sur le sort réservé à une grande partie de l’électro usagé. Nos ordinateurs portables, lampes, GSM et brosses à dents électriques échouent encore trop souvent dans les déchets résiduels.
De plus, nous ne sommes pas les seuls sur l’affaire. Les lave-linge et réfrigérateurs atterrissent chez le ferrailleur ou sont transportés illégalement à l’étranger. Les e-déchets disparaissent même parfois totalement des radars. Pour appréhender ces courants de fuite internationaux, nous collaborons étroitement avec les Nations unies. Nous publierons plus tard dans l’année les résultats de cet exercice de réflexion.
Recupel est souvent citée comme pionnière dans le domaine du rapportage. Pourquoi ?
Recupel a eu l’idée de ventiler les pourcentages de recyclage par catégorie : plastiques, métaux ferreux, métaux non ferreux, etc. Ce rapportage détaillé permet une analyse plus fouillée et une meilleure interprétation. Nous voyons ainsi en un clin d’œil quels flux sont plus faciles à recycler que d’autres.
Le sigle WEEE signifie waste electrical and electronic equipment, ce que nous appelons en français les déchets d’équipements électriques et électroniques. Le WEEE Forum, créé en 2002, réunit quarante organisations responsables de la collecte de l’e-waste, au sein de l’Europe et en dehors. Les experts de l’organisation développent des normes internationales, mettent en avant les bonnes pratiques et facilitent leur échange.
Saviez-vous qu’il existe aussi des entreprises privées qui collectent et traitent les déchets électroniques ? L’un de nos partenaires est Out of Use, installé à Beringen. L’entreprise collecte du vieux matériel IT auprès des entreprises et en assure un traitement optimal. Ses chiffres de collecte et de recyclage sont transmis à Recupel.
Comment savez-vous que l’e-waste est traité de manière durable ?
Dans le cadre de nos objectifs de durabilité, nous travaillons uniquement avec des centres de traitement qui sont titulaires d’un agrément WEEELABEX. Cela signifie qu’ils satisfont aux normes strictes de l’Europe pour le recyclage des e-déchets et qu’ils en font le reporting, conformément aux exigences de Recupel. Cet agrément nous donne, ainsi qu’à Recupel, la garantie que les matériaux recyclés se retrouvent dans le circuit. En 2018, nous avons d’ailleurs été la première organisation B2B belge à décrocher ce label. Grâce à l’organisation WEEELABEX, dont fait partie Recupel via le WEEE Forum, nous pouvons aussi nous confronter aux meilleures pratiques de notre secteur, ce qui nous maintient à la pointe.
Nous avons également signé la charte Recupel, par laquelle nous nous engageons à collecter et à traiter l’e-waste conformément à la législation. Nous sommes régulièrement audités par Recupel, ce qui fournit à nos clients potentiels une garantie supplémentaire de notre respect des règles.
Comment limitez-vous vos émissions de CO2 ?
Pour nous, l’environnement est la priorité absolue. C’est pourquoi nous travaillons de préférence avec des recycleurs belges. Cela n’a pas de sens d’expédier les appareils dans des pays à bas salaires et de réimporter dans le même temps des matières premières primaires. Cela ne fait qu’augmenter les émissions de CO2.
Nous offrons en outre à nos clients la possibilité de contribuer eux-mêmes au climat. Ils peuvent ainsi céder à l’asbl Natuurpunt l’indemnité qu’ils perçoivent pour leurs appareils. Par ce geste, ils achètent un certain nombre de mètres carrés de terrains sur lesquels planter un arbre. Et l’idée remporte du succès. Nous espérons passer cette année le cap de 1 hectare de forêt.
Out of Use croit fermement en l’entreprise socialement durable. Comment se traduit cette conviction dans votre gestion d’entreprise ?
Nous sommes attentifs aux groupes en difficulté dans notre société. Par exemple, la majorité de notre personnel se compose de chômeurs de longue durée ou de personnes de plus de 55 ans. Tout comme Recupel, nous travaillons avec des entreprises de travail adapté qui effectuent pour nous des tâches simples, comme retirer les CD des housses. Pour des missions de plus grande envergure, nous travaillons aussi avec la prison de Louvain. Les détenus peuvent ainsi gagner de l’argent et se réinsèrent plus rapidement. Enfin, nous élaborons des solutions pour combler le fossé numérique. Les ménages précarisés peuvent s’adresser à notre asbl Circular.Brussels, située près de Tour & Taxis, et y acheter un appareil d’occasion pour une bouchée de pain.
Comment fonctionne exactement Close the Gap ?
Nous collectons les ordinateurs portables et GSM usagés auprès d’entreprises et organisations en Belgique et aux Pays-Bas. Les appareils sont réparés et expédiés en Afrique, en Amérique du Sud… où nous soutenons des écoles et des centres publics. Pour atteindre aussi les habitants de zones très reculées, nous avons construit des Digitrucks. Il s’agit de salles de classe sur roues, où nous organisons notamment des ateliers ICT.
Mais ce n’est pas qu’un simple projet de charité, il faut plutôt parler d’émancipation. Nous voulons permettre aux groupes vulnérables d’accéder aux bonnes informations. Grâce à Internet, ils apprennent comment se protéger correctement contre les maladies ou intègrent des notions comme la démocratie. Ils peuvent aussi lancer leur propre petite entreprise avec l’aide d’Internet. Pour beaucoup d’Africains, l’ICT est un tremplin pour améliorer leur situation.
Qu’advient-il de l’e-waste africain ? Où est-il traité ?
Nous optons pour l’approche ‘best of both worlds’. Les appareils sont entièrement démontés à la main en Afrique : une manière très efficace de récupérer, d’une part, les matériaux qui peuvent être réutilisés et, d’autre part, les composants qui peuvent être recyclés. Ces derniers sont ensuite envoyés dans des usines de recyclage locales. Nous avons ainsi ouvert récemment une nouvelle usine de recyclage au Kenya.
Quant aux fractions complexes et nocives, nous les renvoyons en Belgique. Elles sont ici traitées avec les meilleures techniques disponibles par des entreprises de renom, expertes en la matière. Recupel nous aide d’ailleurs toujours à faire recycler les plus petits flux, en provenance d’Afrique, par les entreprises de recyclage avec lesquelles elle collabore.
En ce qui concerne la gestion de l’e-waste, la Belgique fait partie du top mondial. Mais le problème du fossé numérique est-il aussi sous contrôle ?
En Belgique aussi, beaucoup de ménages précarisés n’ont pas accès à Internet et aux TIC. La crise du coronavirus a plus que jamais mis ce problème en lumière. Et je crains qu’à la crise sanitaire succède une crise économique qui creusera encore davantage le fossé entre pauvres et riches. C’est pourquoi nous continuons à développer notre asbl DigitalForYouth, créée en 2019 par les asbl Close the Gap et DNS.be. Nous essayons de mettre le plus de matériel TIC reconditionné possible à la disposition de jeunes fragilisés. En avril 2020, nous avons récolté 15 000 ordinateurs portables destinés aux enfants précarisés de l’enseignement secondaire dans toute la Belgique. Eux aussi peuvent ainsi suivre les cours à distance.